Alexandre Dumas

Textes composés par les étudiants
du cours ATELIER DE LECTURE ET ECRITURE CREATIVE,
inspirés par 'Le comte de Monte-Cristo' d'Alexandre Dumas.

Argus

Quand j’ai ouvert les yeux, je ne pouvais rien voir. Il faisait très froid. L’ambiance était totalement sombre, comme au fond de la mer où les poissons gigantesques dorment au-dessous du sable.

Que faisais-je ici ? J’avais peine à comprendre. Je me souvenais que j’étais sortie de la maison comme d’habitude pour promener mon chien, Argus, quand une petite voiture jaune fluo s’était arrêtée devant moi. Un type s’était précipité en vociférant quelque chose de bizarre que je n’avais pas compris.

« Que voulez-vous ? j’ai hurlé. Laissez-moi ! ». Car la personne m’avait saisie par le bras.
« Vous comprendrez assez tôt! dit la personne, un homme ou une femme, je ne pouvais pas dire. Taisez-vous et suivez-moi !
– Argus ! j’ai crié désespérément. Argus, viens vite ! »

Et après ça, rien. Le noir. J’ai dû été droguée. Droguée, enlevée. Mais c’était ridicule. Pourquoi ?

Lentement, comme une chute de belle neige mortelle, je me suis rendu compte que je n’étais pas seule dans la pièce. Il y avait un bruit de respiration, à la fois sinistre et doux, comme les notes les plus basses d’un orgue où on n’entend que le passage de l’air.
Quelqu’un d’autre était là, j’en étais sûre … Par instinct, je suis demeurée complètement immobile. Maintenant de petites réverbérations retentissaient répétitivement sur le plancher où j’étais assise. Qui s’approchait ? Même mon sang semblait cesser de battre.

La porte s’est ouverte : telle la claque d’une guillotine. Une voix, presqu’un chuchotement, qui disait avec tendresse : « Allez, enfin, je suis arrivé. Vous avez faim, hein ? »
Tout à coup la lumière a été allumée, éclatante et choquante, comme sur scène.
Juste en face de moi se trouvaient deux petits chatons jumeaux, la couleur de réglisse brillante. Ils me regardaient avec une curiosité intense.

Et le type était debout sur le seuil, avec un revolver.

PAR URSULA

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L’évasion

Ma mère n’est pas contente. Moi non plus. Pendant deux heures, elle arpente, arpente le couloir, les mains sous le ventre pour soutenir le poids, parlant entre ses dents ou se récriant fort contre le monde : son bébé, son mari, sa famille, sa situation malencontreuse.

« Je viens de subir les pires huit mois de ma vie. Mais comment ai-je pu me retrouver là ? Je devais être folle… folle de me laisser charmer par lui. J’aurais dû me tuer le jour où je l’ai rencontré. Maudite femme que je suis ! Inconcevable! «

Je suis habituée à ces griefs, ces terreurs, ces récriminations interminables. Je les connais par cœur, la trame et la chaîne de mon être. Mais ils ne perdent jamais leur pouvoir. J’ai peur. Je frémis.

Ma mère se couche enfin, rongée de remords, accablée par sa litanie de doléances. Soulagée, je bâille, en tortillant mes doigts et mes orteils, cherchant à m’installer plus confortablement dans cet espace restreint, le seul monde que je connaisse. Doucement, je pousse contre le sac. Comme d’habitude, tout est chaud, moelleux, enveloppant et impénétrable. Je m’assoupis, mais je ne suis pas à l’aise car j’attends, j’attends… Toutes les deux, nous attendons… l’oreille aux aguets…

Soudain, involontairement, ma mère se raidit. Nous sommes sur le qui-vive. La clef dans la serrure…elle se lève d’un bond en me secouant violemment… les pas dans le couloir… le déclic de l’interrupteur…

« Que fais-tu debout dans le noir ? » Cette voix calme et autoritaire, je veux la toucher. Mais le pouls de ma mère s’accélère, son cœur bat rapidement. Comment m’échapper ? Je pousse de toutes mes forces. Brusques et désespérés, mes coups de pied coupent son souffle. Elle panique.

« Vite, Pat, vite ! Mon dieu, du sang ! Je fais une hémorragie ! »

Ensuite, mon monde se dissout, s’écoule… Je suis propulsée, bon gré mal gré, par cette vague de vie, rythmique, inexorable, irrésistible. Tout tourne, tout tourbillonne… tout suit son cours. Expulsée, je tombe sanglante, bleue, mais indemne dans les mains tremblantes de mon père.

Tendrement, je suis bercée.

PAR ERIN GABRIELLE WHITE

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Une nuit noire

« Vous ne voyez pas ? demanda la jeune femme.
– Pas vraiment, vint la réponse.
– Mais Monsieur, vous deviez le savoir. J’étais seule, complètement seule, vous comprenez ? Et cette nuit était sinistrement noire. Il n’y avait pas de lumière, pas dehors ni à l’intérieur. Vous voyez, notre maison est au coin d’une ruelle, au bord de notre petit village obscur. Et vous ne me croirez peut-être pas, mais cette ruelle mène dans les bois et puis bien sûr dans une obscurité complète ! »

La femme fit une pause et ferma les yeux un instant. Puis, comme si quelqu’un l’avait frappée, elle ouvrit les yeux et parla encore.
« Donc, il faut que je commence au début. C’était vers minuit quand l’orage est arrivé. Didier, mon homme, et moi avons bu le reste du vin, et puis, étant amoureux, nous avons monté l’escalier pour aller au lit. Je me souviens clairement que, dans notre chambre, l’air était chaud et humide. Nous avons enlevé nos vêtements mais, avant de faire l’amour, Didier a ouvert les volets.

Un peu plus tard, nous nous sommes couchés sur le dos, apaisés, et nous pouvions entendre la rage de la tempête dehors. Tout à coup, un coup de tonnerre a secoué terriblement la terre. En état de choc, j’ai crié et j’ai crié encore plus fort, quand notre petit village est tombé dans la nuit la plus noire. La lampe dans notre chambre n’a plus rien éclairé. Pas une étoile dans le ciel, pas une lumière dans la ruelle. Noir, noir. Tout était noir comme l’encre la plus noire, comme le coeur le plus noir d’un démon.»

Une autre pause. Mais cette fois …
« Continuez, s’il vous plait, Madame.
– Alors, Didier a compris ma peur, et j’ai senti sa main effleurer mes seins. J’avais besoin de sa douceur, mais je désirais aussi de la lumière. Instinctivement, il m’a dit qu’il essayerait de trouver une bougie dans l’obscurité, en bas. Ça me soulageait beaucoup. Il a disparu dans la noirceur de notre maison, et le seul son que je pouvais entendre était le rugissement de l’orage dehors.

Paralysée par la crainte, il m’a semblé que j’étais restée là, sur notre lit, pour une éternité. Enfin, j’ai senti une présence dans ma chambre. Sans doute, Didier était revenu. Il n’y avait aucune lumière et aucun mot non plus. Sa bouche embrassait mes seins, mes épaules, mon cou. Ma peur devenait mon plaisir. Je fermais les yeux. Ses doigts étaient descendus sur mon ventre, son souffle était sur ma peau, ses lèvres sur les miennes et son odeur était partout. A ce moment là, j’ai su : cet homme n’était pas mon homme. Et sans réflechir, j’ai saisi la lampe près du lit et je l’ai brisée sur la tête de cet étranger. Une, deux, trois fois.

– Mais Madame, cet étranger mort était Didier, votre mari… »

PAR ROSLYN McFARLAND

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La tempête

La tempête de neige faisait rage. Tout à coup, Violette de Crécy se rendit compte qu’elle était la seule survivante. Elle se sentit isolée dans la froideur, les voix de ses camarades avaient disparu dans les falaises abruptes.

Elle faisait partie d’un groupe d’élèves qui voulait vivre l’aventure sur les pistes des Deux-Alpes.
Leur “stage d’activité pleine nature” avait été cruellement interrompu. Ils skiaient sur une piste noire, fermée au public quand la tempête a frappé.

Violette était aveuglée, ses yeux piqués par des flocons emportés par les vents. Seuls les sens de l’ouïe et du toucher la rappelèrent qu’elle vivait encore. Parmi trois voix distinctes – celles des survivants – c’était la voix du guide qui retentissait comme un instrument orchestral, lui offrant le chemin vers une destination sans adresse. « Il n’ y a qu’un seul chemin à suivre, avertit le guide. Quiconque s’en écarte, c’est la mort. » Violette chercha un signe de sensation, ses mains glacées fouillant partout le long de son corps pour se rassurer. Seul le battement de son cœur lui offrit une consolation.

On fit des pas avec trépidation, suivant la voix du guide, montant de plus en plus haut.
Violette entendit les voix des deux personnes anonymes, réverbérant avec les vents menaçants.
Le froid extrême la frappa comme un couteau, brûlant et glacial. D’où venait cette sensation curieuse d’une extase effrayante, qui la poussait en avant comme une force suréelle ?

Soudain, la voix du guide flotta à travers l’atmosphère sombre : « Enfin, ça n’a pas été sans peine ! » s’exclama le guide. Et elle entendit une nouvelle voix, celle d’une femme mystérieuse, qui lui répondit comme un écho : « Bienvenue au chalet ».

PAR AMANDA

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Une nuit surprenante

Le monde pressait sur mon âme quand des amis m’ont offert leur maison secondaire sur le haut plateau du sud. Bien que l’aptitude de lire les cartes me manque, j’ai décidé d’y passer le weekend. Il faisait beau et vendredi dans l’après-midi je suis partie, dans ma voiture, pleine d’anticipation. Après une heure, le ciel s’est couvert et la pluie est tombée très fort. Pas de problème au péage, mais cent mètres avant l’embranchement indiqué sur la carte, le vent est arrivé et le jour a disparu.

« Reviens au péage immédiatement » dit le moi pusillanime. Mais le moi courageux n’était pas d’accord. « Courage ! la petite route pour la maison ne peut pas être trop loin. . . Continue. »

Au bout d’un kilomètre, j’ai pensé découvrir la petite route pour la maison mais, après deux ou trois minutes, le son d’eau jaillissant est arrivé à mes oreilles. Le moi courageux avait disparu et le moi pusillanime a dû reprendre la mise en scène. « Prudence ! » me murmurait-elle. Ainsi je suis descendue de la voiture et j’ai senti la boue qui entrait dans mes chaussures. Quelle horreur ! Où me trouvais-je donc ? Beaucoup trop proche de la rive d’un ruisseau, évidemment. J’avais choisi le mauvais chemin. La pluie et le vent continuaient et, à mon retour à la voiture, j’ai trouvé impossible de faire marche arrière à cause de la terre molle.

J’abandonnai la voiture et, avec une prudence maximale, je me suis approchée du clapotis de l’eau. Dans un éclair soudain, j’ai vu une passerelle et un petit bâtiment en face. En traversant le pont, j’ai entendu derrière moi le bruit lourd et sourd de pas qui concassaient la terre. Frappée d’une peur énorme, je me tapissais contre la rampe quand quelque chose m’a dépassé à toute vitesse et est entré dans le bâtiment.

Ainsi j’ai passé la nuit dans une étable abandonnée avec un grand kangourou qui avait aussi peur de moi que moi de lui.

« La prochaine fois, disent les deux « moi », reste dans ton véhicule. »

PAR CARMEL MAGUIRE

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Le portable

Lorsque j’ai repris connaissance, j’étais allongée sur le plancher en bois et je sentais le vent glacial sur mon visage et l’eau d’une flaque sous mon corps. Ma chemise de nuit était mouillée et je souffrais d’un violent mal de tête. Tout était noir cependant, j’entendais des sons matinaux, ainsi que la pluie. J’avais froid et j’étais désorientée.

Subitement, le bruit du moteur d’un autobus a envahi la chambre et le son du camion-balayeur à l’extérieur indiquait que le soleil s’était déjà levé ; mais j’étais toujours dans l’obscurité. Je me suis rendu compte que j’avais besoin de secours.

« Où est mon portable ? je me suis demandée. Je me rappelle, je l’ai mis sur la table dans le salon au rez-de-chaussée ! »

Emparée par sentiments d’impuissance et d’assurance, j’ai décidé de ne pas paniquer, de chercher l’escalier et de descendre les dix-sept marches.

En retenant mes larmes, je me tournais vers le vent, et donc, vers la fenêtre ouverte. J’ai tendu mes bras pour toucher le mur à côté, puis le rebord de la fenêtre, et ensuite, l’embrasure de la porte. Je me suis mise à genoux et, à quatre pattes, j’avançais vers l’escalier en côtoyant le mur. J’étais soulagée de sentir le tapis doux du couloir serein sous mes genoux sensibles.

Je suis arrivée à la première marche et, sur le point de descendre, je me suis figée. J’imaginais ma chute dramatique vers les tuiles d’argile dures en bas. « C’est mieux de m’asseoir et de descendre sur les fesses, une marche après l’autre. Souviens-toi qu’il n’y a pas de balustrade, je me suis dit, c’est plus prudent. »

J’entamais la descente anxieusement, je cherchais chaque marche avec les pieds nus à l’instar d’un tourteau, jusqu’à la dernière marche. Je me suis mise debout et j’ai avancé à tâtons vers le centre du salon.

J’ai trouvé la table et j’ai palpé la surface entière pour découvrir le portable. Il n’y avait rien. Je ne pouvais rien voir, j’étais seule, je ne pouvais contacter personne. Mon mal de tête était effroyable. J’étais désespérée.

Tout à coup, j’ai entendu le son d’une clef dans la serrure…

PAR KAREN BRYANT

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Le voyage de nuit

C’était la nuit. Elle errait depuis quelques jours maintenant sans aucune nourriture, tout espoir de manger se dissipait lentement, quand soudain un arôme de quelque chose de fraîchement préparé l’assaillit ; avec une énergie renouvelée, elle courut vers son prix pour le saisir avant que quelqu’un d’autre ne le prenne, quand soudain elle entendit un clic. Elle attrapa le morceau, tenta de fuir, mais cela fut impossible. La grille fut tout autour d’elle, elle fut prisonnière.

Le silence tomba, sauf les grillons avec leurs bavardages et leur chant continu. Elle se trouva grelottant de froid dans l’air humide et prit un certain réconfort dans la nourriture. La grille la restreignait, mais en même temps lui donnait un sens de protection contre la nuit à l’extérieur. Elle s’assoupit finalement.

Tout à coup, une voix forte la réveilla : « Voilà ! Je vais prendre celui-ci », et la sensation soudaine d’être aéroportée faisant perdre tout sens d’équilibre, la jeta dans une panique, et, terrifiée, elle s’agita dans la cage tandis qu’on la portait Dieu sait où.

« Où on va ?
– Pas loin, il faut que la cage soit maintenue couverte. »

Le moteur démarra, un son sinistre se fit entendre, sa fourrure se dressa sur son corps, et elle laissa échapper un cri qui fit cailler le sang. Ses griffes tâchaient de saisir et glissaient le long du câblage. Le trajet continua comme ça, un vrai cauchemar ; personne ne l’entendait, car chaque fois que le moteur arrêtait son vacarme, le miaulement cessait.

Le vacarme mourut. Après quelques pas, la cage fut soulevée hors de la voiture et portée à nouveau. Une porte s’ouvrit. Une voix s’exclama : « Mettez-le sur la table, s’il vous plaît ».

Quelque chose l’enveloppa, une aiguille piqua son corps, mais elle était trop fatiguée pour protester. Elle glissa peu à peu dans l’inconscience et elle dormit comme si elle n’avait jamais dormi. Dans les profondeurs de son être, elle savait qu’elle serait enfin en sécurité. Elle habiterait dans une maison de famille.

PAR MARGARITA

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