Philippe Delerm

Textes composés par les étudiants
du cours ATELIER DE LECTURE ET ECRITURE CREATIVE,
inspirés par 'Le porte-monnaie' de Philippe Delerm.

Le Lit

Fiche technique

Au cours des années quarante et cinquante, les lits en Australie n’étaient que de deux tailles : à une place très étroite ou à deux places. Une base en métal ou en bois, et un matelas en coton ou caoutchouc. Les oreillers et les couvertures en laine ou kapok de Java étaient dans la plupart des logements. En hiver, il y avait un édredon pour plus de chaleur et en été une moustiquaire.
Une literie modeste et fonctionnelle.

Une bonne nuit de sommeil

Les humains ont toujours besoin d’un endroit où dormir, les hommes préhistoriques mettaient des peaux et des fourrures d’animaux sur le sol de la grotte. Les Aborigènes construisaient des abris avec un lieu de couchage, souvent c’était un simple tapis fait de feuilles. Les anciens Égyptiens ont inventé un lit plateforme en bois, orné et décoré de sculptures. Les lits étaient surélevés pour protéger le dormeur des rongeurs ou des serpents. Les Grecs et les Romains ont commencé à utiliser des bases en métal avec un matelas et une couverture en laine avec aussi une peau de mouton.

Malheureusement les serviteurs et les esclaves étaient forcés de dormir sur un fin tapis près de leur maître. Du moyen âge au 19 siècle, le lit à baldaquin était populaire. Les très fortunés ont souvent diverti ou menaient leurs affaires en se prélassant. La literie était plus luxueuse, des plumes et duvets ainsi que de la laine étaient utilisés. Cependant les pauvres dormaient sur des sacs remplis de foin avec toute la famille. Dormir avec des frères et sœurs dans le même lit était assez commun souvent chez les riches. Au 20e et 21e siècle, le lit a évolué pour devenir une nécessité souvent luxueuse avec de nombreux choix. Les brochures sont proposées en taille roi, reine double ou simple. Le matelas spécial offre des ressorts intérieurs, ou comme un ensemble, ou la sensation ferme, douce, dure avec encore beaucoup de choix. Un choix difficile pour Boucle d’or !

Il y a 60 ans, les draps et les couvertures étaient toujours blancs, comme dans un hôpital, il existe maintenant une myriade de couleurs et une multitude de matériaux pour faire la literie. Les mots duvet et doona ont remplacé édredon. On peut acheter une variété d’oreillers : doux, dur, ou moyen et tout le monde semble content. Ce qui compte le plus chaque nuit, c’est une bonne nuit de sommeil, peu importe où et sur quel lit.

Le lit fait partie de notre vie de la naissance au trépas.

PAR ANN B

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Le gramophone

Fiche technique

Meuble gramophone en noyer du Queensland (Endiandra palmerstonii). HMV (La Voix de son Maitre) 102 x 45 x 51 cm. Fabriqué à Sydney vers 1927. Il s’ouvre par un abattant à doucine. Dans cet espace, un plateau tournant mis en rotation au moyen d’une manivelle latérale. Au bout d’un bras tubulaire, une tête de lecture avec une aiguille en métal capable de lire les disques en gomme-laque. Vitesse 78 tours par minute. Deux portes s’ouvrant au-dessous sur le haut-parleur, caché par du tissu épais et par une baguette sculptée en dessin artistique. Il repose sur quatre pieds galbés.

Quand la musique a cessé

Il représente un poteau indicateur du progrès technique au premier quart du vingtième siècle. Il était conçu à l’époque du charleston et de Chanel et de la petite robe noire. Presque dix ans après la fin de la Première Guerre mondiale, supposée terminer toutes les guerres, après les pertes de vie, l’angoisse de perdre un être cher a disparu. Et voici, ce meuble est arrivé dans un foyer modeste de jeunes mariés à Brisbane en Australie.

Une source de fierté dont on a pris le plus grand soin. Aucun grain de poussière n’était permis d’entrer à l’intérieur. On faisait briller constamment l’extérieur du cabinet pour mettre en lumière la beauté du bois. Des invités quelquefois pouvaient écouter de la musique et plus rarement danser quand on avait déplacé les meubles. Seuls les propriétaires avaient le droit de faire marcher la machine. On rendait les disques impeccables à l’aide d’une brosse couverte de velours.

Ce qui s’est bouleversé les choses, c’est l’arrivée des enfants. Le changement familial était graduel, mais irréversible, comme le changement climatique. A l’épreuve des enfants, nul domicile ne peut rester parfait. Ainsi le gramophone a traversé des temps difficiles. Les disques étaient rayés et puis cassés. Le plateau tournant et le bras tubulaire ont souffert aux mains moins soigneuses, et le son s’est détérioré. Le coup de grâce était la disparition de la manivelle. Quelques années plus tard, un parent harcelé a admis le crime et a oublié la cachette. Encore plus tard, un copain d’une fille a fabriqué une nouvelle manivelle, mais la magie a disparu face aux meilleures machines.

C’est un objet qui reste chez moi. Silencieux, inutile, mal aimé. Le gramophone est devenu non seulement un entrepôt de la poussière des âges et un lieu pour les vases de fleurs, mais aussi un des pénates d’une famille ancienne.

PAR CARMEL MAGUIRE

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Objet quotidien de mon enfance

Fiche technique

Une boîte brun foncé en bois vernis, 30 cm de haut et 40 de long. Au-devant, un cadran transparent montrait toutes les fréquences radio d’Australie, imprimées en chiffres et en lettres. Derrière cette façade, un tissu beigeâtre cachait les valves qui faisaient fonctionner ce poste de radio. Quelques boutons étaient placés sur le cadran, un pour changer les stations, un autre pour élever et baisser le niveau du son et le troisième pour ajuster le timbre.

Une nouvelle ère

L’Italien Giuseppe Marconi était reconnu comme l’inventeur des ondes électromagnétiques à la fin du dix-neuvième siècle. Ce n’était qu’en 1960 que les transistors ont été librement disponibles, permettant d’écouter la radio partout, en vacances, sur la plage et dans la rue. Pendant les années cinquante, on écoutait la radio ensemble, en famille, dans le salon où l’appareil était branché à une prise. A l’époque on suivait une offre riche : actualités, billets, analyses et commentaires, cricket et tennis, poésies, documentaires littéraires, pièces radiophoniques et émissions spécifiques pour les malades hospitalisés et pour les femmes au foyer. Les enfants adoraient The Children’s Hour, présentée l’après-midi à dix-sept heures. On attribuait à tous les enfants qui voulaient s’inscrire à cette émission, le nom d’un des Argonautes de Jason. Ledit personnage était le héros de la légende grecque qui partait en bateau, l’Argo, à destination de Colchis (actuellement en Géorgie) en quête de la Toison d’or, accompagné de ses rameurs, les Argonautes. Ce qui comptait pour les enfants, c’était les contes et les feuilletons terrifiants qui étaient en plein essor ! Régulièrement, on montait des compétitions de compositions poétiques et de nouvelles, avec le lauréat récompensé d’un certificat envoyé par la poste dans une lettre personnellement libellée. En plus, on chantait ensemble avec le générique, la mélodie des rameurs de l’Argo. La devise officieuse aurait pu être « l’enfant s’éduque par le jeu ».

Malheureusement, tout a changé avec l’arrivée de la télévision. Cela fait cinquante ans que les chefs de l’ABC ont décidé que les enfants préfèreraient la télévision à la radio et les émissions spéciales qui leur étaient destinées ont été annulées. Le monde de l’imagination pour les jeunes a basculé dans l’anodin.

PAR ROSE CHENEY

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Les Bandes Dessinées

Fiche Technique

En papier, le plus souvent de format A4. Une suite horizontale de cases, disposées sur plusieurs lignes (une planche), chacune contenant un dessin, soit en couleurs soit en noir et blanc.
Conçus comme un mode de narration, les dessins racontent une histoire (réaliste ou non) où les paroles, les sentiments ou les pensées des protagonistes sont inscrits dans une bulle avec une queue qui indique le personnage qui parle ou qui pense.
Le début des années 50, avant l’arrivée du téléviseur dans chaque foyer, était l’âge d’or des bandes dessinées américaines. On pouvait les échanger contre des bonbons à l’anis, des billes brillantes et même un livre d’Enid Blyton.

Une richesse incalculable

Lire un tas de bandes dessinées, c’est entrer dans un monde d’aventure et de magie. De case en case, on suit le fil des vies quotidiennes d’une grande famille de canards, par exemple. On plonge dans les aventures de Donald et de ses trois neveux espiègles et de Picsou, son fabuleusement riche oncle qui prend son bain dans du liquide. Plouf ! Quel bonheur inimaginable ! On connait par cœur les personnalités de ces personnages adorables, leurs amitiés, leurs difficultés et leurs cacophonies familiales. Ou, plus sérieusement, on s’engage avec les super-héros dans la bataille universelle entre le bien et le mal. Quelquefois, le justicier a des pouvoirs surnaturels qu’il utilise pour éviter une catastrophe, pour sauver des vies ou pour combattre les méchants. Donc, nous admirons Superman qui accomplit de tels actes exceptionnels. Paf ! Boum ! D’autres fois, le héros est un homme normal qui montre un courage extraordinaire. Le Fantôme est un tel homme. « L’Ombre qui marche » n’a pas de pouvoirs surhumains mais il habite la jungle et il possède une force et un courage moral exceptionnels. Que ce soient Tarzan ou Batman ou Dick Tracy, on apprend la biographie de chaque héros, l’histoire de sa naissance, les détails de sa famille, on reconnaît rapidement son costume moulant et sa manière unique de sauver le monde. Comme les vagues qui arrivent au rivage, ces ombres entrent dans les rêves de chaque génération d’enfants.

Mais où sont les femmes ? Où sont les super-héroïnes ? Avant la deuxième vague féministe, la majorité des gens n’auraient pas remarqué ce manque. De nos jours, ce qui est évident, c’est que, quoique les femmes figurent dans les bédés, elles ont toujours des rôles moins importants. Loïs Lane et Diana Palmer, par exemple, sont respectivement les petites amies de Superman et du Fantôme et ni l’une ni l’autre ne se trouve au centre de l’histoire. C’était la réalité de cette époque-là. Malgré ce défaut, la BD reste un trésor, une richesse où on plonge dans un tas de pièces d’or que l’on peut dépenser pour se créer un destin étincelant. Voilà le pouvoir de ces histoires ! Plouf !

PAR ERIN GABRIELLE WHITE

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Le marqueur de jupe

Fiche technique

Une règle en bois, verticale, marquée en noir foncé de barres et demi barres avec les chiffres de 1 à 18, les pouces et les demi-pouces. Le numéro un obscurci, presque, par le socle, un bloc de bois brun devant le pied, les bords grossièrement arrondis. En haut les mots « Made in Australia », et au-dessous du numéro dix-huit « Regd. Design No. 6165 », la police de caractères traditionnelle, Times new Roman. Un objet simple et robuste, qui se cache au fond du placard de la mère, prêt à mesurer les ourlets des jupes, depuis la seconde guerre mondiale et le New Look de M. Dior. Les nouvelles jupes, plein de tissus nouvellement disponibles après les privations de la guerre, les jupes coupées dans le biais, les jupes cercles.

La mode est essentielle pour la vie

Comme la sœur de la mère, tante Marjorie, disait : « Si vous ne pouvez pas être à la mode, autant être morte. » Et la mode était aux jupes cercles, avec des ourlets tout droits, à angle droit par rapport à la couture des bas. Pour une famille à modestes moyens, il fallait que les filles cousent les robes elles-mêmes. Et pour faire des ourlets parfaits, il fallait utiliser le marqueur de jupe. Une fille, la couturière, mettait la robe et se tenait tout droit sur la table, l’autre prenait le marqueur et des épingles, quelquefois dans la bouche, pour marquer exactement la ligne du bord de la jupe. La première faisait le tour à pas minuscules, pendant que l’autre mettait les épingles dans le tissu à la hauteur du sol choisie. On devait faire le tour deux ou trois fois pour trouver la ligne parfaite, sans coupe à bascule. Les hanches ne devaient pas bouger, la taille raide, la ceinture serrée.

Ce qui comptait, c’était la patience du mannequin. L’adolescente, debout sur la table de la salle à manger, gigotait. Fâchée, la mère cousait la robe pour le bal de la fin de l’école. Une robe pudique en mousseline de soie, couleur moche, bleu vert. Le tissu léger flottait, bougeait, grattait. C’était difficile de mettre les épingles au niveau juste avec le marqueur. Peut-être c’était la dernière fois. A l’université, les robes de bal descendaient aux chevilles, et les minijupes des années soixante étaient trop courtes pour les dix-huit pouces du marqueur. Le truc utile était banni dans le placard – mais il restait prêt pour mesurer un jour les jupes des petites-filles.

PAR ANGELA LOW

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